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Mamie,

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Bonjour Mamie,

Ca fait seulement quelques heures que tu es partie et pourtant j’ai déjà ce besoin de t’écrire, pour ne rien oublier comme on t’a vu tout oublier. Quelques heures et pourtant je ne t’ai jamais senti aussi proche de moi ces dernières années. Je ne veux rien oublier de ces petits gestes du quotidien. De ces petites attentions qui m’ont toujours fait me sentir aimée et protégée à tes côtés. Je pouvais venir me blottir aux creux de tes bras quand j’avais besoin de réconfort, tu ne posais pas de question, tu m’accueillais les bras ouverts, tu avais le pouvoir de recharger mes batteries en quelques minutes.

J’ai passé la journée à pleurer parce que je ne peux pas être à tes côtés et t’accompagner comme j’aurais aimé. Vivre avec la maladie c’est envisagé le pire quand on t’appelle sans prévenir. C’est aussi accepté que les 7000 kilomètres qui nous séparent ne m’aurait pas permis d’arriver à temps. Même sans la crise sanitaire que nous vivons actuellement. Mais je voulais sauter dans le premier avion, je voulais pouvoir être là. C’est le pire scénario possible.

J’ai aussi passé la journée à me rappeler tout ce que tu m’as appris. Tout ce que tu laisses derrière toi. Et waouh t’es pas n’importe qui. Tu sais que j’ai l’impression d’avoir partagé un peu de toi autour de moi avec mes amis, tous les gens qui ont croisé mon chemin. Que tout le monde a eu la chance d’avoir un peu de toi, de te connaître. Je te citais tellement souvent. Je reprenais tes blagues ou tes expressions. Comme le Chateauneuf de la Pompe pour nous faire boire de l’eau petits quand tout le monde était au vin. Ou à quel point tu détestais mes jeans troués que tu me proposais toujours de couper en short ou de me raccommoder. Mes tatouages que tu me demandais à chaque fois de t’expliquer.

Mamie t’avais un sourire solaire, chaque personne que tu croisais ne pouvait que te sourire en retour. Tu m’as transmis ta sagesse et la valeur du travail. Le respect de l’autre et de chaque personne, sans faire de différence. T’as impacté tellement de vies. T’étais gênée quand je te disais qu’untel m’avait parlé de toi et ce que tu lui avais appris ceci ou cela quand ils étaient petits. T’étais gênée quand je te répétais les gentils mots que les gens utilisaient pour parler de toi. On était tellement fiers d’être si proche de soi, d’avoir cette place privilégiée quand on entendait combien les gens t’aimaient. Nous on était encore petits, naïvement on pensait que c’était normal d’avoir une personne comme toi à nos côtés.

Puis on a grandi et on a commencé à prendre conscience de l’ampleur de la chance qu’on avait. Mamie, est ce que t’avais imaginé qu’en naissant dans un petit hameau d’une dizaine d’habitants au fond de l’Ardèche t’allais laissé une trace dans tant d’histoires ?

T’attendais mon frère pour boire le café comme on attend le messie et je pèse mes mots. Je n’ai vu personne lui montrait autant d’amour. Combien d’étés as tu passé à essayer de nous apprendre à tricoter ? De tous les travaux manuels que tu as pu nous faire faire, le bloc note en chat restera le plus mémorable. Et la fois où tu nous as fait cuire des oeufs dehors parce qu’il faisait super chaud « pour que vous vous rendiez compte à quel point il fait chaud ». Ou la fois où dans la maison de campagne tu as hurlé à cause d’une souris et que depuis ce jour j’en ai peur aussi.

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Tu m’as appris à avoir de vraies valeurs humaines. À être en accord avec mes choix, à être juste, à ne pas baisser les bras et à trouver des plans B si les plans A ne fonctionnaient pas. A retourner le problème dans tous les sens. Tu te moquais de moi quand je commençais à boire quelques coupes de champagne. Et tu disais à mon frère que j’allais être pompette. Moi je te disais que tu allais bientôt danser sur la table. Puis on riait ensemble, parce que c’est bien ce qu’on faisait de mieux. Mon dieu que je chéris chacun de ces moments et la manière dont ils me font me sentir. Plus je grandis et plus je me retrouve en toi. Toutes les deux championnes de bavardages.

Tu pensais que c’était un problème et je cite « le pire cadeau que tu pouvais me faire » quand j’y voyais le meilleur. Cette envie de parler au monde entier, de donner une chance à chacun d’échanger avec nous et de toujours ouvrir notre porte. De s’ouvrir sur d’autres mondes et d’autres cultures. Laisser notre curiosité nous guider. Qu’est ce qu’on aimait parler. On se posait dans ton jardin et tu te moquais de papi qui retournait encore une fois tout son jardin avec un trou dans ton pantalon ou son t-shirt, tu lui demandais s’il voulait une pièce pour se trouver un vêtement sans trou.

Les longues balades au bord de l’Eyrieux à refaire le monde. Ton soutien lorsque je me suis installée, ton soutien lorsque je me suis séparée et que vous étiez mes seuls repères. Ton soutien quand je t’ai dit que je t’aimais. Mais que je voulais aller vivre au Canada, pour voir un peu comment c’était là bas et que tu m’as dit que ça allait aller « on peut toujours parler on est en 2014 on a le téléphone et Internet ».

L’amour. Cette complicité que vous aviez tous les deux. Je vous citais souvent comme l’illustration de l’amour. Mariés depuis 1955. Des comme vous on n’en fait plus. Tu me disais que l’amour c’est pas facile, que tout n’est pas toujours rose mais vous étiez toujours tous les deux, amoureux, attentionnés et taquins. Vous aimiez nous emmener en vacances, nous emmener au jardin et nous expliquer des choses qu’on aurait jamais appris ailleurs. Puis vous mangiez notre croute de pain quand on avait décidé qu’on ne mangerait plus que la mie. Vous nous prépariez de la tisane à la verveine avec du miel du Gerbier. J’en ai ramené ici, chaque fois que j’en fais l’odeur me transporte et je me retrouve à 12 ans tous les 4 à Arcens.

Je sais ce qu’on avait, je sais la richesse de notre relation, je sais la chance qu’on a eu de pouvoir passer 32 ans ensemble. L’honneur que j’ai eu de te faire devenir grand mère pour la première fois. Je suis évidemment triste de te savoir partie physiquement mais je sais que tu es encore plus proche de moi pour vivre la suite de mon histoire. Je suis tellement reconnaissante de t’avoir eu 32 ans à mes côtés. D’avoir ri et pleuré avec toi. Traversé des épreuves. D’avoir appris de toi. Avoir pu te poser des questions. D’avoir toujours pu compter sur toi. Avoir pu te dire que je t’aimais plus grand que le ciel. D’avoir eu l’opportunité de te dire tout ce que tu m’as apporté. Je suis tellement toi dans ma créativité, ma positivité et mon amour du monde.

Les dernières années et cette foutue maladie m’ont appris que le reste du monde ne représentait rien si toi tu ne savais pas. Alors je t’ai dit tous les mots qu’on regrette souvent de ne pas avoir dit. Par manque de courage ou de temps. Moi je t’ai tout dit. Je t’ai écrit. Puis Je t’ai parlé. Je t’ai serré la main et j’ai lu sur ton sourire que tu étais fière et que ton petit coeur se remplissait d’amour. Tu peux être fière de ton travail.

Tu as remplis ta mission de grand mère avec brio. Depuis ce matin je me repasse en boucle nos moments forts et je me fais la liste de tout ce que tu m’as laissé. Tu m’as fait ressentir le plus beau sentiment du monde: tu m’as fait me sentir aimer. Comme jamais. Tu m’as accueilli les bras ouverts pour rester chez toi quand les choses n’allaient pas. Tu m’as dit des choses qu’on dit seulement à ses enfants. T’étais fière de ton clan. T’étais fière de ce sentiment d’appartenance qu’on a. Des petites Moulinettes et des petits Moulinots.

Mamie tu vas manquer à ce monde parce que le monde a vraiment besoin de plus de gens comme toi.

Je t’aime grand comme le ciel, c’est là que je te vois maintenant, et que tu es partout avec moi.

A.

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3 comments
  1. Que c’est beau ! & comme je comprends chaque mot. Je me rappelle d’une fois où elle avait fabriqué un sac avec des sacs (déjà 0 déchet !). C’était une personne incroyable et j’ai eu la chance d’en avoir eu une sur mon chemin. Elles se retrouvent au moins, ils en ont de la chance la haut. & le clan des moulinettes, moulinots restera soudé, comme toujours. Parce qu’on a l’amour ❤️

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